Le bienheureux Marc-Antoine ( Marcantonio ) Durando naquit dans une famille distinguée de Mondovi, en Italie septentrionale. A l' époque du Risorgimento, c' est-à-dire de l' unité italienne autour de la couronne de Savoie, ses membres occupèrent des postes de responsabilité, en ayant des opinions différentes.
Le père avait des tendances libérales et agnostiques, contrairement à la mère plutôt dévote. Sur les huit enfants, chacun s' engagea de manière diverse, comme par exemple Giocomo qui, impliqué dans les mouvements révolutionnaires de 1831 et 1832 , combattera dans des armées étrangères et deviendra journaliste. Ferme soutien de Charles-Albert de Savoie à partir de 1848, il devint son aide de camp. Il sera ensuite ambassadeur à Constantinople puis ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Ratazzi en 1862. Il terminera sa carrière à partir de 1884 comme président du Sénat.
Giovanni, quant à lui, fut dans sa jeunesse le cofondateur d' une société secrète patriotique - les chevaliers de la liberté ; contraint à l' exil, il devint général en Espagne où il s' illustra contre les Carlistes, puis il devint chef des troupes pontificales. A l' époque, les armées du roi de Sardaigne Charles-Albert étaient en guerre contre les Autrichiens et avaient demandé l' aide des troupes pontificales, des armées du royaume des Deux-Siciles et du grand-duché de Toscane.
Incapable de résister à l' avance autrichienne à Vicence et ayant désobéi aux ordres pontificaux*, Giovanni Durando fut contraint à la démission et se mit sous les ordres du roi Charles-Albert de Savoie. Il participera à la bataille de Novare, à l' expédition de Crimée et aux batailles aboutissant à l' unité italienne. Il terminera sa carrière comme aide de camp de Victor-Emmanuel II de Savoie, puis comme sénateur.
Marc-Antoine, plus proche de sa mère, manifesta dès l' âge de quinze ans le désir de devenir missionnaire en Chine, entreprise à l' époque extrêmement périlleuse. Il entra dans la Congrégation des Missions de Saint-Vincent-de-Paul qui se reconstituait à peine. Il émit ses voeux perpétuels à seulement dix-huit ans, et fut ordonné prêtre en 1824. Il demeura pendant cinq ans à Casale Monferrato, puis à la maison de Turin dont il deviendra au bout de deux ans le Supérieur jusqu' à sa mort. Ses Supérieurs, plutôt que de l' envoyer au-delà des mers, préférèrent l' associer au relèvement spirituel de la nouvelle Italie.
Le P. Durando s' attela à la tâche et créa, avec l' appui du Supérieur général le Père Etienne, les bases en Italie du Nord de ce que l' on qualifiera plus tard de " catholicisme social ". Il soutint aussi la nouvelle oeuvre de la Propaganda Fidei - la Propagation de la Foi - célèbre oeuvre missionnaire du XIXème siècle, créée à Lyon par Pauline Jaricot ( 1799-1862 ). Il fallait aussi rouvrir les Maisons, fermées ou endommagées lors de la première phase du Risorgimento. En 1855, il ouvrit un collège à Brignole-Sale pour former des prêtres missionnaires destinés non seulement à l' étranger ; mais aussi destinés aux campagnes et aux villes piémontaises. Ceux-ci ne se contentaient pas de prêcher ; mais subvenaient aux besoins matériels des plus pauvres. De pIus, il introduisit dans le Piémont les Filles de la Charité, fondées en France par saint Vincent de Paul au XVIIème siècle. Cette Congrégation qui souffrit durablement pendant et après la révolution française, trouvait un second souffle depuis les apparitions de Notre Dame à sainte Catherine Labouré, simple novice de la Chapelle Miraculeuse à Paris, en 1830.
Les Filles de la Charité travaillèrent dans différents hôpitaux, tant militaires que civils, du royaume de Charles-Albert et plus tard participèrent comme infirmières à la guerre de Crimée. Les vocations furent tellement nombreuses que le roi mit à leur disposition le Couvent de San Salvario construit au XVIIème siècle à Turin, dont la reine Marie-Adélaïde fut la protectrice. Au fil du temps un immense complexe hospitalier fut créé. [ La ravissante chapelle du couvent, en état de lente dégradation, fut fermée au culte par les Soeurs en 1987 ; mais à la demande de fidèles fut partiellement restaurée et ouverte à la visite une dizaine d' années plus tard...]
Un véritable réseau se constitua donc à Turin de soutien aux pauvres appuyé par les différentes " Miséricordes " ( ainsi étaient appelés leurs centres de soin et de secours ) financés par les " Dames de Charité " de la ville. Des orphelinats, des écoles et des maisons de retraite furent fondés.
En 1837, le P. Durando devint Visiteur de la Province Nord-Italie, jusqu' à sa mort. Il organisait des exercices spirituels pour les prêtres de sa Congrégation et les prêtres diocésains et était absorbé par la gestion des maisons du Piémont. L' archevêque de Turin lui confia aussi la direction spirituelle des Filles de Saint-Joseph, nouvellement arrivées en Italie, ainsi que des Capucines de Turin. Mais surtout, il fut à partir de 1865, le conseiller de Louise Borlotti ( 1802-1873 ), qui fonda les Soeurs Nazaréennes, Congrégation qui rassembla au début des religieuses dans l' impossibilité d' entrer dans des Instituts religieux " classiques " et qui se vouèrent au soin à domicile des malades et à la contemplation de Jésus-Crucifié.
Le Père Durando mourut, le 10 décembre 1880, à l' âge de 79 ans et sa cause fut introduite en 1928. Il fut béatifié par Jean-Paul II en 2002.
Le bienheureux Marc-Antoine Durando demeure une personnalité marquante de la famille vincentienne en Italie.
* Le bienheureux Pie IX voulait en fait mettre fin à la guerre contre l' Autriche, voyant bien le danger de guerroyer contre une grande puissance catholique, ce qui évidemment lui sera reproché par les patriotes italiens d' inspiration libérale. Le pape avait bien compris aussi qu' il s' agissait du signal de la fin de son règne temporel sur les Etats Pontificaux.