Lors de son 102e voyage apostolique, le Pape Jean-Paul II ajouta, à Bratislava en Slovaquie, au nombre des bienheureux le nom de la Soeur Sidonie - née Cécile ( Cecilia ) Schelingova - de la Congrégation des Soeurs de la Charité de la Sainte Croix.
Le Pape a invité à cette occasion les Slovaques à tourner le regard vers la Croix en ce jour où il béatifiait aussi un autre martyr, Mgr Basile Hopko, et où l'Église fête l'Exaltation de la Sainte Croix. C'est ici sur ce bois que se rencontrent la " fécondité de la misère de l' homme et de la miséricorde de Dieu. "
Il voulait aussi rappeler le souvenir de cette " Église du silence " du XXe siècle qui fut persécutée et oubliée...
Cécile Schelingova naquit le jour de la Noël 1916, à Kriva, dans le district de Dolny en Slovaquie. Elle était la dixième de onze enfants, dans une famille de paysans relativement prospères qui surent donner une solide éducation chrétienne à leurs enfants. Elle avait quinze ans, lorsqu'elle décida d'entrer chez les Soeurs de la Charité de la Sainte Croix. Elle entra donc au noviciat et poursuivit, selon les besoins de sa Congrégation, des études d' infirmière. Elle prononça ses premiers voeux, le 30 janvier 1937, et prit le nom de Soeur Sidonie (Zdenka).
Une fois son diplôme obtenu, elle devint soeur infirmière à Hummené. Le pays connut la terrible Seconde Guerre mondiale. Elle se dévoua avec patience aux malades. En 1942, elle travailla au service de radiologie de l'hôpital d'État de Bratislava, avec compétence et générosité. Le pays qui vivait dans l'orbite de l' Allemagne traversa des mois terribles en 1945. L'Armée Rouge qui avait envahi la Slovaquie en libératrice imposa petit à petit une politique anti-chrétienne.
L' URSS de Staline avait les mains libres pour forger des satellites en Europe centrale et en Europe orientale. En 1948, la Slovaquie, de nouveau réunie à la Bohême et à d'autres provinces, se fondit dans la république tchécoslovaque d'obédience communiste.
Le parti communiste allait poursuivre une politique de persécution contre l'Église catholique (et d' autres cultes) particulièrement intense et cruelle. Ceux qui restaient fidèles à leur Foi devinrent des citoyens de seconde zone, les Ordres religieux furent dissous, et la plupart des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses furent condamnés aux travaux forcés ou emprisonnés.
Les Soeurs de la Charité de la Sainte Croix qui avaient surtout des fonctions hospitalières ne furent pas épargnées. Réduites à porter des vêtements civils et à vivre dans une semi-clandestinité, elles se dispersèrent. Certaines purent cependant continuer à exercer seules, sans faire état de leur vocation. Soeur Sidonie continua tant qu' elle le pouvait à soutenir son Église de Slovaquie par la prière et des actes de charité héroïques. Elle aida plusieurs prêtres persécutés, et réussit même à faire fuir l'un d' entre eux qui avait été sorti de sa prison pour être soigné de ses tortures sous bonne garde à l'hôpital et qui était condamné au Goulag en Sibérie !
C'est à cette époque qu' elle décida d'offrir sa vie pour l'Église et le salut de son pays.
Le 29 février 1952, huit jours après l'épisode de la fuite du prêtre, elle fut arrêtée, car elle s'apprêtait à "aider" six autres prêtres...
Elle subit de longs interrogatoires particulièrement humiliants et fut torturée à diverses reprises. Son procès, en juin 1952, la fit condamner à la perte de ses droits civils et à douze années d'emprisonnement sous l'accusation de haute trahison. Cette accusation était toujours retenue contre les ecclésiastiques. Il fallait éradiquer la Foi catholique du pays.
En prison, elle n' éprouva aucun esprit de vengeance contre ses juges, ni rancoeur contre ses geôliers. Elle fut transférée d'une prison à l'autre (notamment à Brno et à Prague). Sa santé s'était fortement dégradée ; aussi les autorités - l'Église était déjà muselée et une contre-Église " patriotique " avait été même créée... décidèrent de la libérer en 1955. Elle n' était plus que l'ombre d'elle-même.
On lui interdit de se faire soigner à Bratislava et on la fit transporter, loin des regards, dans la petite ville de Trnava, où existait un petit hôpital de province.
Elle y mourut au bout de trois mois de souffrances, le 31 juillet 1955, à l' âge de trente-huit ans. Officiellement elle était morte - selon ce que l' on écrivit sur son certificat de décès - du cancer...
En 1970, la Cour Suprême de Bratislava, encore sous régime communiste, reconnut l'innocence de la Soeur Sidonie. Ses restes reposent dans l'église de la Sainte-Croix, à Podunajske Biskupice.