Hans Merz naquit à Banka Luka ( aujourd' hui en Bosnie ) qui faisait partie de l' Empire austro-hongrois. La région était peuplée de Bosniaques et de Croates avec d' autres minorités. Il était lui-même à la confluence de plusieurs cultures que son amour pour l' Eglise catholique allait résumer.
Son père était officier autrichien et fonctionnaire, il était un Allemand catholique de Bohême-Moravie possession des Habsbourgs depuis des siècles en terre slave, et sa mère issue d' une famille hongroise d' origine juive.
Il reçut une éducation raffinée d' enfant unique de la bourgeoisie autrichienne: tennis, violon, musique.
Il était baigné dans la culture autrichienne, parlait allemand en famille et fit ses études à l' académie militaire et à la faculté de droit et de philosophie de Vienne, la capitale de cet immense Empire multi-culturel - Empire qui allait éclater et disparaître en 1918.
Pourtant il eut très tôt l' amour du peuple qu' il côtoyait, les Croates, jusqu' à assimiler leur culture sous l' influence d' un de ses professeurs de lycée patriote croate qui lui apprit la langue croate.
La synthèse de toutes ces apparentes contradictions fut l' amour du peuple croate catholique et l' exemple de la culture française, culture qui à l'époque transcendait les nationalismes et était partagée par les personnes de l' élite intellectuelle européenne de Saint-Pétersbourg à Berlin, de Vienne à Rome, de Prague à Munich ou Copenhague.
Officier sur le front autrichien en Italie, il partit après la guerre pour la France qui parrainait la nouvelle Yougoslavie, royaume édifié autour de la famille serbe des Karageorgévitch.
La France de Clemenceau avait tout fait pour anéantir l' ancien Empire austro-hongrois multi ethnique, Clemenceau ne voulait pas d' une monarchie catholique fédératrice de peuples.
La France républicaine avait mis toutes ses forces diplomatiques pour créer un contrepoids à l' influence germanique dans les Balkans en faisant naître un nouveau pays slave francophile qui partageait les mêmes racines linguistiques à quelques nuances entre ses différents peuples, mais qui se divisait en :
Croates : catholiques longtemps sous influence latine.
Slovènes : catholiques latinisés dans leur histoire, grâce à l' influence autrichienne et germanique.
Serbes orthodoxes qui furent libérés du joug ottoman par l' influence de leurs frères russes
et enfin Bosniaques souvent musulmans depuis leur assimilation à l' Empire ottoman à la fin du Moyen-Age.
A l' issue de cette guerre qui détruisit la Mitteleuropa de naguère, Hans - désormais Ivan - fut résolument du côté des vainqueurs, mais il ne le fut pas parce qu' il aurait été victime d' un quelconque syndrome de Stockholm, il le fut car il croyait en la synthèse latine de son Eglise, telle qu' elle lui apparut lors de son séjour de deux ans en France où il fit ses études à la faculté catholique de Paris et à la Sorbonne.
Ce n' est pas en la France de Clemenceau qu' il croyait, mais en celle de Lourdes et de Jeanne d' Arc.
Il fit ses études grâce au comité catholique des amitiés françaises à l' étranger. A la Sorbonne il faisait connaître la culture croate. Il fit paraître des articles dans la Croix mettant en garde contre une assimilation de la Yougoslavie à une seule culture, en l' occurence celle des Serbes.
Il s' inscrivit ensuite en 1922 en doctorat à l' université de Zagreb où il enseignait le français et suivait des cours de philosophie chez les Jésuites tandis qu' il prenait des cours particuliers de théologie avec un autre Père jésuite.
Son sujet de thèse en 1923 fut " L' INFLUENCE DE LA LITURGIE SUR LES ECRIVAINS FRANCAIS DE CHATEAUBRIAND A NOS JOURS. "
Il avait une culture vaste et raffinée.
Selon un de ses éditeurs d' aujourd' hui [ cf lien : http://www.inxl6.org/article2148.php ] , il nous " rappelle que le patrimoine légué par le christianisme à la culture occidentale n' est réductible ni à la Bible ni même à la spiritualité. " *
" Il nous montre comment l' héritage chrétien, dans tout ce qu' il a de positif et de profitable, comprend aussi un ensemble de pratiques sociales, de manifestations publiques et d' EXPRESSIONS PUBLIQUES DE LA FOI : LA LITURGIE. "
Il gardait contact avec la France par ses liens tissés là-bas et ses abonnements aux différentes publications des Assomptionistes ( la Croix, le Noël...) qui avaient à l' époque une orientation fort différente de celles d' aujourd' hui. Nous étions au début du pontificat de Pie XI qui tentait par ses appuis aux grands mouvements d' Action Catholique de contrecarrer l' influence de la gauche radicale et athée et de son expression la plus menaçante : le communisme, et d' une autre gauche sociale qui allait s' unir aux déçus de la guerre et des terribles crises économiques pour donner naissance aux monstres totalitaires.
Les publications des bons Pères Assomptionistes avaient une vision globale de la société chrétienne et défendaient la notion de cité catholique qu' il fallait faire revivre. La notion d' ordre chrétien s' opposait à l' anarchie de l' après-guerre et du péril totalitaire. Il défendaient bec et ongle les droits du Chrétien contre le laïcisme. Leurs positions étaient intransigeantes par rapport au climat qui sera celui de la fin du XXème siècle.
Beaucoup d' intellectuels européens redécouvraient l' Eglise.
Le Pape était considéré à l' intérieur de l' Eglise comme le roc sur lequel se fondait l' Eglise corps du Christ. Elle était en même temps attaquée terriblement à l' extérieur ( Mexique, mouvements républicains radicaux, nouvel hédonisme après les horreurs de la guerre, communisme, etc... ).
Ivan Merz baignait dans cette culture de refondation catholique et y adhérait.
Ivan Merz était ouvert aux cultures slave, latine et germanique par sa formation et ses observations d' un monde bouleversé. Il avait une culture d' éducation mixte : l' allemande dans sa version autrichienne avec son catholicisme impérial, une jeune culture d' affection : la croate slave, terrienne et populaire, et une culture d' adoption : la française à la fois plus politique et plus introspective. Cette dernière était en pointe, car elle était habituée à se défendre du pouvoir politique depuis les lois anticléricales et elle ne cultivait plus dans une certaine élite la nostalgie monarchique ( tentation qui fut celle de l' Autriche ) ou populaire ( tentation qui sera celle de la Croatie ).
Il devint dans les six dernières années qui allaient lui rester à vivre professeur de français au lycée archiépiscopal de Zagreb. Il tenta d' élever la formation philosophique de ses élèves. Il écrivait sur Jeanne d' Arc, Lourdes, saint François de Sales, etc...
et aussi sur la liturgie : C' est en cela qu' il est à mon sens un exemple pour notre époque.
Depuis son séjour en France, il n' était plus le simple chrétien d' autrefois : il revint en écrivant à sa mère : " la Foi catholique est ma vocation de vie et toute ma vie se meut autour du Christ mon Seigneur. "
Sa Foi se renforçait, il communiait quotidiennement.
Il faisait partie pendant son temps libre de l' organisation catholique des " Aigles ", organisation catholique pour étudiants basée sur trois piliers: le sacrifice, l' Eucharistie, l' apostolat.
A la racine de tout apostolat écrivait-il il doit y avoir la lutte contre le péché.
Lui-même avait prononcé des voeux privés de chasteté perpétuelle.
Il aurait voulu fonder une communauté laïque vouée à l' apostolat. Il laissa de nombreux écrits et fut un exemple pour la jeunesse catholique de Croatie.
TOUTE SA VIE IL FUT A L' ECOLE DE LA LITURGIE, la liturgie de l' époque, liturgie grégorienne remise en valeur par saint Pie X.
Il fut aussi un scientifique littéraire objectif et impartial dans ses méthodes d' analyse et de critique littéraire.
Issu d' un monde muliticulturel, il vivait la liturgie LATINE comme la synthèse de toutes ces cultures.
Il se consumait de maladie, il mourut le 10 mai 1928. La foule d' étudiants à ses obsèques avait compris qu' " un aigle de la Foi " s' en était allé.
Il avait écrit aussi : " si je ne croyais pas ( en l' Eglise et en Jésus-Christ ), je cesserais d' exister. "
Son corps repose à la basilique du Sacré-Coeur de Zagreb.
* D' où l' importance de conserver notre patrimoine liturgique...