Pour comprendre la situation très préoccupante de nos églises de campagne, rien ne sert que de lire attentivement les textes qui expliquent cette pastorale française.
Ainsi je suis tombé récemment sur l' interview d' un prêtre, dont le parcours et les résultats sont exemplaires de cet état d' esprit. Je resterai discret sur les noms et les lieux, bien que cette interview soit livrée au public, pour éviter la polémique et juste tenter de comprendre...
Né peu avant la seconde guerre mondiale dans un village de montagne, il admire dans son enfance un oncle prêtre et décide après ses études secondaires d' entrer au grand séminaire de la région ( qui n' existe plus aujourd' hui ).
Sa foi s' en trouve renforcée dit-il. Nous sommes en 1954. Pus tard il effectue quatorze mois de service militaire en Algérie. Cette période " lui fait prendre conscience d' un monde parfois loin de l' Eglise, mais tolérant. " Sans doute parle-t-il de ses compagnons d' armes...
C' est la première fois qu' il quitte son environnement villageois et la discipline d' un séminaire des années 1950. Le choc a dû être rude de se retrouver en pleine guerre de décolonisation en Afrique du Nord avec des soldats parfois influencés par l' esprit marxiste ou par d' autres obligés de se battre pour une cause de moins en moins soutenue par la métropole.
Tenté par l' abandon du séminaire, il décide finalement d' y retourner pour terminer sa formation. Il est ordonné et devient vicaire dans une paroisse de montagne : catéchisme, missions, etc...Il parle avec tendresse de ce curé plus âgé qui lui a tout appris, à lui orphelin tôt de père.
Quatre ans après il devient curé de quatre paroisses regroupées d' un secteur qu' il ne quittera plus. Au fur-et-à-mesure des années d' autres villages avoisinants viendront s' ajouter à sa charge.
La fièvre du Concile, il n' en parle pas en elle-même, mais par un lapsus révélateur, il parle du Concile comme CONSEQUENCE DE MAI 1968 !!
Dans ces montagnes loin des pavés du boulevard saint-Germain-des-Prés, quelles furent les conséquences de ces événements pour lui ?
L' arrivée d' un jeune homme !...Eh oui, tel un ange annonciateur, ce garçon de vingt ans du village lui dit " C' est bien beau les idées, mais il faut les mettre en pratique ! "
Confondant, dans l' idée du temps, pratique avec praxis sociale...Que décide-t-il ? Il DEVIENT FACTEUR !!!!!
Eh oui : travailleur à la poste avec l' accord de l' évêque qui vient d' arriver, l' ancien jugé trop traditionnel étant muté à Rome. Il avait pourtant augmenté de façon significative les vocations ...Mais nous sommes en 1969...Il fallait croire au souffle du printemps !
Il y travaillera pendant vingt-cinq ans...Vivait-il une nouvelle Annonciation ? ( saint Gabriel, patron des facteurs, priez pour nous...) A l' envers en quelque sorte, il fallait construire une église de laïcs. A sa génération de montrer le chemin, et au prêtre de s' effacer.
Certes son engagement pourrait à la rigueur se comprendre pour un laïc désireux de vivre la pauvreté, ou d' un religieux appartenant à une société apostolique permettant le travail salarié, mais pourquoi d' un curé ? Des prêtres furent obligés en Europe de l' Est, en Russie, en Chine, etc... pendant le communisme de travailler pour subsister, parce que sinon ils étaient considérés comme parasites sociaux, mais EN FRANCE ? Voulait-on se préparer à la victoire d' un ordre social communiste, et prendre le virage au bon moment ?
Voulait-il être assuré d' un traitement régulier de petit fonctionnaire ( pourquoi pas si le diocèse venait à être en faillite ), pensait-il revenir à la vie laïque plus tard comme tant d' autres à l' époque ? pourquoi ? Faire mission en troquant son identité de berger de paroisse pour celle de postier ?
NON non à travers les lignes, on sent bien ce qui l' animait : la construction d' un monde nouveau, la préparation d' un nouvel ordre social ! Nouvel ordre dont croyait-il l' Eglise de demain serait l' inspiratrice...
Idéalisme ? Ecoutons-le..." Je me disais, qu' a fait le Christ ? C' est quelque chose de formidable pour un prêtre de pouvoir partager la vie de tous par le travail..."
Un prêtre ? Le mouvement des prêtres ouvriers condamné par Pie XII et réhabilité ensuite a toujours battu de l' aile à part un court moment de contestation qui attira la sympathie des médias de l' époque et des compagnons de route, alors pourquoi un curé-facteur ? responsable d' une paroisse ?
Jésus n' a-t-il pas abandonné son métier de charpentier pour prêcher ? Vaste question à laquelle il m' est impossible de répondre...
Mais la seule chose que l' on puisse remarquer, c' est que les résultats sont parfaitement en lien avec cette stratégie ecclésiale.
Cette pastorale a mis en avant les laïcs, dans un mouvement d' idées qui était déjà perceptible depuis la fin de la première guerre mondiale et les grands mouvements d' action catholique des années 1930, mais elle a complètement mis de côté le rôle du prêtre, devenu quasiment INUTILE entre l' évêque et le laïc.
Revenons à notre brave curé-facteur : Il ne dit rien sur ses résultats...RIEN, aucun bilan ! Le devoir de tirer des conclusions par un examen de conscience, le talent enfoui ou le talent qui donne des fruits ? Aucun bilan...Et pour cause !
Comme un autre facteur qui fait de la politique, notre facteur a interprêté sa foi comme une idéologie. Libre à lui, mais ce que je n' arrive pas à comprendre c' est la définition de son devoir d' Etat de pasteur d' âmes sur une paroisse territoriale, définition donnée par l' évêque...
Et si notre facteur avait voulu être aubergiste, acteur de théâtre ou cadre dans une banque ? Je pense que ce genre de métiers ne collerait pas avec les options idéologiques de ce prêtre et encore moins avec celles de la majorité de nos évêques français.
Désormais ce prêtre est à la retraite de son métier de facteur et se retrouve avec son équipe paroissiale, c' est-à-dire le conseil de laïcs où dit-il " nous travaillons pour une NOUVELLE EGLISE et un monde meilleur pour tous " ( Quel monde ? ) Ses années d' homme jeune et de maturité physique, il les aura cachées à ses paroissiens ordinaires...
En attendant les lendemains qui chantent, il retrouve maintenant des personnes dans sa paroisse qu' il avait perdues de vue : c' est que son travail de facteur ne lui permettait que d' assurer les célébrations minimum obligatoires...
Il ne manque aucun match à la télévision, et compose un peu de musique. Un brave curé bien sympathique en somme et sûrement aimé des rescapés chrétiens de ces belles montagnes.
En attendant ce diocèse n' a plus qu' un prêtre ordonné une année sur deux ou trois depuis les années 1970. Un diocèse de plus d' un million d' habitants dont 700 000 catholiques...Les chiffres sont durs...De près de 470 prêtres après la guerre, ce diocèse était monté à 600 prêtres avant le Concile, mais la contestation de cette époque avait fait chuter leur nombre aux alentours de 400, chiffre qui restera stable jusque vers 1980. Depuis c' est une lente descente pour atteindre les environs de 200 aujourd' hui. Dix prêtres par an meurent.
Ce sont les chiffres typiques d' un diocèse de province parmi d' autres.
Je ferai un autre article sur la pastorale de cette paroisse. C' est aussi fort éclairant sur les orientations de la pastorale de certains de nos évêques.