
L' Ordre de la Visitation, fondé par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal en 1610, donna aussi de son sang, lors de la tragique guerre civile d' Espagne ( 1936-1939 ). Il s' était installé à Madrid en 1749. Le premier monastère fut fondé par deux Françaises, Mère Anne-Sophie de La Rochebardoul et Mère Anne-Victoire d' Oncieu.
Les sept Visitandines de Madrid provenaient de diverses provinces d' Espagne. Elles menaient une vie de prière et de mortification, mais cela ne suffit pas à leur garantir l' immunité en cette époque de violences révolutionnaires et de haine de la Foi.
Comme sous la Terreur de la révolution française et comme au Mexique sous les gouvernements francs-maçons,le simple fait d' être prêtre ou religieuse suffisait à être assassiné. Au début de la guerre, en juillet 1936, les Soeurs quittèrent leur monastère - construit en 1883 - et se réfugièrent en Navarre. Mais sept Soeurs restèrent à Madrid et se cachèrent dans un sous-sol adjacent à leur couvent, s' efforçant de poursuivre héroïquement leur vie de religieuses selon leur Règle, dans la contemplation et l' offrande personnelle. Il s' agissait de la cave du 4 rue Manuel Gonzales Longoria.

Le 18 juillet 1936, le couvent fut immédiatement attaqué et incendié, puis transformé en caserne pour les milices révolutionnaires. Au milieu du mois d' août, deux femmes cruelles de l' immeuble signalèrent la présence des religieuses vêtues en civil, dans un sous-sol non loin du Couvent. Des perquisitions eurent lieu fréquemment et elles furent surveillées. Des prêtres parvenaient toutefois à les visiter en cachette pour dire la Sainte Messe. Une des soeurs des religieuses leur apportait aussi la communion. Le 17 novembre au soir, elles furent fouillées par la milice de la Fédération Anarchiste ibérique. " Nous reviendrons demain ! " Elles passèrent la nuit en prières.
Le lendemain18 novembre au soir , elles furent chargées dans une camionnette. Ayant fait le signe de croix, en vue de leur fin prochaine, la foule les conspua. " C' est ici tout de suite qu' il faut les fusiller, ce signe de croix est une provocation ! "
Elles furent conduites en dehors de la ville, et se tenant toutes par la main, elles furent fusillées dans la soirée.
Miraculeusement, la plus jeune, la Soeur Marie-Cécile, ne fut pas atteinte par les projectiles. Elle lâcha la main de la Soeur morte qui se trouvait à côté d' elle, et prit la fuite dans la nuit. Prise de panique, elle courut ! Mais peu de temps après, elle croisa deux policiers. Elle s'écria : " Je suis une des Soeurs ! "
Elle fut aussitôt conduite dans une de ces innombrables prisons provisoires, où se tenait un tribunal populaire. Elle confessa à nouveau son identité et elle fut condamnée à mort. Elle fut fusillée à l' aube du 23 novembre 1936, devant un mur du cimetière de Madrid, à côté d' une autre femme et de dix jeunes gens. Pratiquement, elle avait subi le martyre deux fois...
Après la guerre, on ouvrit la fosse commune pour retrouver son corps qu' on identifia, grâce au petit crucifix qu' elle portait au cou. Depuis lors, il est conservé comme une relique au Monastère des Visitandines de Madrid.
Les Soeurs avaient été guidées spirituellement par Mère Marie-Gabrielle de Hinojosa.
Celle ci était née près de Grenade le 28 juillet 1872 dans une famille aisée et nombreuse. Devenue orpheline, à huit ans, elle avait passé son enfance et sa jeunesse à Madrid chez l' un de ses frères, Edouard, devenu son tuteur. A quinze ans, en pélerinage à Lourdes, elle avait formulé le voeu de se consacrer à Dieu. Elle avait sollicité son admission au Couvent à l' âge de 19 ans, sous le nom de Marie du Refuge.
Elle y fit sa profession le jour de l' Annonciation, en 1894. Bien que de caractère timide et réservé, elle fut choisie comme Supérieure de 1929 à 1936. Au début de la guerre, elle était restée dans la capitale avec les six autres soeurs comme Supérieure du petit troupeau. Elle donna la permission à chacune de ses filles de partir trouver refuge chez des amis ou en famille ; mais aucune ne voulut quitter la communauté, et toutes se préparèrent au don de soi librement.
Dans la dernière lettre qui est conservée d' elle, elle avait écrit : " Mon Dieu et Seigneur, nous sommes entre vos mains ; faites de nous ce qui conviendra. " Elle mourut à l' âge de 64 ans.
Les autres Soeurs de la Visitation étaient :

Thérèse-Marie Cavestany Andauga, Soeur économe, 48 ans. Elle naquit près de Cadix, mais passa toute sa vie à Madrid. Son père était un homme de lettres et elle eut quinze frères et soeurs ! Elle était devenue religieuse en 1914 et débordait de félicité.

Josèphe-Marie Barrera Izaguirre, Soeur infirmière, 55 ans. Aînée de cinq enfants, elle était fille d' un commandant de marine et passa sa jeunesse à Cadix et à Malaga. Elle était entrée à la Visitation en 1918. Elle était pleine d' abnégation et d' un caractère silencieux. Elle avait une grande dévotion pour saint Joseph. Quelques semaines avant le jour fatal, elle avait déjà été arrêtée pendant 24 heures avec la Soeur Thérèse-Marie.

Marie-Agnès Zudaire Galdeano, 36 ans était née en Navarre dans une famille très pieuse de six enfants. Un de ses frères devint Mariste. Elle était entrée en 1919 à la Visitation. Elle était serviable et limpide. Lorsque les événements de 1931 obligèrent la communauté à se réfugier quelques temps en Navarre, elle fut contente de se trouver près des siens. Elle accepta cependant avec joie de rester à Madrid à partir de mai 1936, sachant qu' elle s' exposait au danger. Peu de temps avant le 18 novembre, malade, elle avait dû s' aliter : mais elle refusa de consulter à l' hôpital, pour ne pas être séparée de ses Soeurs. Elle fut transportée dans la camionnette...

Marie-Angèle Olaizola Garagarza, 43 ans. Huitième et dernière enfant d' une famille austère du Pays Basque, elle entra en 1918 à la Visitation de Madrid, en tant que Soeur externe. Elle était animée d' un esprit salésien affirmé. Elle priait pour ses persécuteurs sans aucun murmure contre eux. Lorsqu' un de ses frères lui proposa de trouver asile chez lui, elle refusa avec douceur.

Marie Lecuona Aramburu, 39 ans, était l' aînée d' une famille basque de quatorze enfants. Dans son enfance, elle faisait la classe bénévolement pour des enfants plus jeunes. Elle dû travailler pour aider sa famille. Elle était entrée en 1924 au Couvent en tant que Soeur externe. Elle aimait généreusement sainte Marie, mère de la Visitation. Elle était d' un caractère plein de tempérament et actif.

Marie-Cécile Cendoya Araquistan, 26 ans, dont le dies natalis est le 23 novembre. Elle était née parmi quatre filles dans une famille profondément chrétienne du Pays Basque. De caractère aimable et humble, et elle avait parfois un tempérament vif. Elle était devenue religieuse en 1930. Quelques mois après, lorsque les premières atteintes à la liberté religieuse commencèrent, elle refusa de trouver refuge chez ses parents. Lorsqu' elle émit sa profession à l' automne 1935, elle était rayonnante de joie.
Elle furent béatifiées le 10 mai 1998, par Jean-Paul II.
Lien ( en espagnol ) :
http://www.visitacionmaria.com Le monastère rouvrit en 1940. L' église, qui avait été transformée en garage, abrita dès lors dans la crypte les restes de quatre Soeurs, tandis que trois autres - dont la bienheureuse Marie-Cécile - étaient enterrées à la Valle de los Caidos.